Un marché en sortie de route

Alors que le Premier ministre n’a évoqué la semaine dernière que de manière très parcellaire le secteur de l’automobile et des mobilités dans son discours de politique générale, le marché automobile est en mauvaise posture.

Alors que les derniers chiffres du marché montrent une situation alarmante, il est urgent de remettre de la clarté et de l’ambition sur le soutien à la filière automobile et sa nécessaire transition. Sur les 9 premiers mois de l’année, il est à constater une baisse de 1,8% des immatriculations en comparaison de 2023. Sur la même période, la baisse est de 23,2% par rapport à 2019, soit la pire performance en 10 ans. En particulier, ce 3ème trimestre 2024 affiche une baisse de 12% des immatriculations (4e mois consécutif de baisse du marché automobile en France). A noter qu’une fois l’effet du leasing social passé, les ventes de véhicules électriques ont immédiatement connu une rupture, avec -12,4% au troisième trimestre (source : Dataneo).

Dans le même temps, la progression de l’électrification du parc, même si elle progresse, reste encore très fragile. Si les véhicules électriques représentaient près de 17% des immatriculations en 2023, elles restent encore largement minoritaires au sein du parc roulant à 2,2% et 1,5% pour les véhicules hybrides rechargeables. Les mêmes tendances sont observées au niveau européen.

L’électrification du parc reste fortement dépendante des subventions de l’État – rappelons, comme l’indiquait un rapport de France Stratégie en juin 2024, que le dispositif de bonus écologique expliquerait 40% de la progression de la part du marché de véhicules électriques de 2019 à 2021, et un tiers de la réduction des émissions des véhicules neufs.

Une situation qui est redoublée d’une pression européenne avec la mise en œuvre au 1er janvier 2025 de la norme européenne CAFE, qui vient singulièrement compliquer l’équation pour les constructeurs, voire la rendre insoluble pour certains d’entre eux, et impacter l’ensemble des acteurs de la filière automobile.

Une fiscalisation à marche forcée contre-productive, sans visibilité sur les dispositifs d’accompagnement du parc

Dans ce contexte, Mobilians est particulièrement attentif aux effets contre-productifs d’un malus écologique et d’une fiscalisation à marche forcée pour le marché automobile et alerte sur l’escalade à laquelle fait face le secteur.

Le malus écologique avait déjà été considérablement renforcé dans le cadre de la loi de Finances 2024 : abaissement du seuil de déclenchement à 118 g CO2/kg, baisse du seuil du malus poids à 1,6 tonne, plafond du malus pouvant s’élever jusqu’à 60.000 Euros. Les véhicules hybrides rechargeables y étaient exemptés de malus pour 2024, mais y étaient soumis à compter de 2025. Rappelons que le dispositif de malus écologique, modifié chaque année depuis 2017, nourrit une instabilité chronique du marché automobile depuis plusieurs années.

Mobilians a toujours alerté sur les effets de bords conséquents que pourrait entrainer un nouveau tour de vis opéré sur le malus, sans mesure d’accompagnement : délocalisation des entreprises, augmentation des ventes à l’étranger, au Luxembourg ou en Belgique et pertes de TVA pour l’Etat.

En parallèle, la lettre plafond remise par le Gouvernement cet été montre une baisse de 500 millions sur le verdissement des flottes, l’enveloppe passant de 1,5 milliard à 1 milliard pour l’année 2025. Rappelons que le bonus à l’attention des personnes morales a été totalement supprimé en février 2024, alors qu’il permettait d’alimenter le marché de l’occasion en véhicules électriques.

A ce stade, la ventilation des dispositifs d’aides (bonus, prime à la conversion, leasing électrique) n’est pas connue, alors qu’il est urgent d’avoir une véritable vision prospective des politiques publiques automobiles, le malus ne pouvant tenir lieu, à lui seul, d’une stratégie globale et équilibrée.

La question de la lisibilité et de l’efficacité des dispositifs se pose. Ainsi, le leasing électrique, qui a utilisé une très large partie de l’enveloppe dédiée au verdissement des flottes en 2024, n’a fait l’objet d’aucune évaluation approfondie alors que la gestion des valeurs résiduelles est susceptible d’entrainer un impact significatif.

Le malus en passe d’être multiplié par 7 d’ici 2027, à 80% des immatriculations de véhicules

Suite aux premières annonces sur la refonte du malus écologique pour les trois prochaines années, dans le cadre du PLF 2025, annonçant une baisse de -5g sur le seuil de déclenchement du malus CO2 à 113g, une baisse du malus poids à 1,5 Tonne au lieu de 1,6 Tonne actuellement, l’augmentation du plafond de 60 000 euros à 90 000 euros en 2027, et la baisse des abattements sur les véhicules hybrides, Dataneo a mené des évaluations pour le compte de Mobilians.

Cette étude est basée sur les volumes de véhicules neufs immatriculés en 2023 et lors des 9 premiers mois de l’année 2024, en France Métropolitaine, catégorie véhicules particuliers uniquement :

  • Par rapport aux immatriculations réalisées sur l’année 2023 (année complète), les évolutions sur les années à venir en montant total d’euros collectés au titre des malus écologiques (CO2 & Poids) seraient de :
    • x3,5 en 2025 (+251%) : 2,21 milliards d’€
    • x5 en 2026 (+420%) : 3,27 milliards d’€
    • x7 en 2027 (+606%) : 4,44 milliards d’€

Sur la base des volumes immatriculés en 2023, le montant estimé du malus écologique serait de 2,21 Milliards d’euros en 2025, 3,27 Milliards d’euros en 2026 et 4,44 Milliards d’euros en 2027.

  • Le montant estimé du malus écologique collecté (CO2 et Poids) sur les 9 premiers mois de l’année 2024 est de 462,5 Millions d’euros. Rappelons que les recettes enregistrées du malus sur l’année complète 2023 étaient de 630 Millions d’euros.

 

  • Alors qu’environ 40% des véhicules étaient assujettis au malus (CO2 et/ou poids) en 2023, cette part passera en 2027 à 80% des véhicules immatriculés (sur la base des immatriculations réalisées en 2023). Cela représente une augmentation de 100% (x2) du nombre de véhicules assujettis au malus entre 2023 et 2027.

 

  • Pour les véhicules assujettis au malus (CO2 et/ou poids), le montant moyen de malus s’élève à 803€ en 2023 et 754€ sur les 9 premiers mois 2024. Sur la base des données 2024, l’estimation de moyenne par véhicule malussé pour les années à venir est de :
    • 1 543€ pour 2025 (+105% vs moyenne 2024)
    • 2 008€ pour 2026 (+166% vs moyenne 2024)
    • 2 524€ pour 2027 (+235% vs moyenne 2024)

 

  • S’agissant de modèles de véhicules en particulier :
  • Alors que seulement 13% des volumes de PEUGEOT 208 sont soumis au malus en 2024 (9 111 unités), cette part passerait à 44% en 2025.
  • Pour une DACIA SANDERO, alors que 35% des volumes étaient soumis au malus en 2023, cette part est passée à 62% en 2024 et devrait passer à 88% en 2025 sur la base du mix 2024.
  • Sur un PEUGEOT 2008, le montant moyen du malus pour les modèles touchés sur les 9 premiers mois 2024 est de 380€. Ce montant moyen passerait à 653€ en 2025 (+72%).
  • Sur un RENAULT CAPTUR, le montant moyen du malus pour les modèles touchés sur les 9 premiers mois 2024 est de 351€. Ce montant moyen doublerait à 695€ en 2025 (+98%).

 

  • 34,3 millions d’euros de malus automobile ont été appliqués aux véhicules de marques RENAULT en 2023. Cette contribution passerait à 331,3 millions d’euros en 2027.

Les recettes du malus s’élèvent à 26,5 millions d’euros sur les 9 premiers mois de 2024 pour les véhicules de marques RENAULT, et passeraient à 43,9 millions d’euros (+66%) sur la même période en 2025, puis à 161,4 millions d’euros pour les 9 premiers mois de 2027 (+510% vs 2024).

 

  • Sur la base des immatriculations réalisées sur les 9 premiers mois de l’année 2024, les véhicules électrifiés (Microhybrides, Hybrides et Hybrides Rechargeables) représenteraient 60% des recettes du malus en 2025 contre 40% pour les véhicules essence et Diesel. Toujours sur une projection du mix 2024 pour l’année 2025, le montant des recettes liées aux microhybrides (147,3 millions) serait supérieur à celui des véhicules Diesel (130,7 millions).  

Mobilians regrette que ces mesures n’aient pas fait l’objet d’une consultation préalable avec les acteurs de la filière, alors qu’elles auront des effets conséquents sur la production automobile en France, ainsi que sur l’augmentation du prix d’acquisition des véhicules.

Xavier Horent, Délégué général de Mobilians, rappelle : « Nous souhaitons alerter sur les conséquences d’un surrégime fiscal et réglementaire imposé à la filière automobile et aux automobilistes français. La pression fiscale, exponentielle et sans aucune commune mesure avec aucun autre secteur risque d’atteindre un niveau confiscatoire historique. Il n’est absolument pas compensé par des mesures d’aides ambitieuses à la transformation du parc : resserrement du bonus, suppression du bonus aux personnes morales, projet de baisse des avantages en nature aux véhicules électriques de fonction… C’est une ligne rouge qui entraîne le secteur dans une spirale dépressive inquiétante. Il y a là un risque de déstabilisation économique et sociale qu’il s’agit impérativement de conjurer rapidement».

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