Filière VHU : un décret qui va dans le bon sens, mais qui appelle quelques clarifications
Le gouvernement a publié au Journal officiel, ce jeudi 1er décembre 2022, un décret venant faire évoluer l’organisation de la filière Véhicules Hors d’Usage – VHU. Ce décret fait suite à la loi anti-gaspillage et économie circulaire – loi AGEC – prévoyant la mise en place d’une filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) pour les producteurs de certaines catégories de véhicules à moteur (voitures particulières, camionnettes, véhicules à deux ou trois roues, quads, voiturettes), afin d’en assurer la reprise sans frais sur tout le territoire national lorsque ces véhicules deviennent hors d’usage (VHU) et permettant de lutter plus efficacement contre les filières illégales de traitement des VHU. Tout renforcement de la filière VHU est accueilli très positivement par les professionnels, néanmoins, ce décret est aussi source d’inquiétudes et demande quelques éclaircissements.
Au niveau national, une obligation préexistait pour les détenteurs d’un VHU de le remettre obligatoirement à un centre VHU agréé par le préfet de département avec reprise gratuite - articles R.543-153 et suivants du code de l’environnement. Aujourd’hui, ce nouveau décret permet un ensemble d’avancées qu’il convient de saluer :
- Le nouvel article R.543-55 permet aux centres VHU de maintenir leurs approvisionnements en direct.
- Les éco-organismes et les systèmes individuels ne peuvent interdire aux centres VHU agréés le démontage de pièces en vue de leur réutilisation et de leur valorisation (art. R. 543-160-3 et R. 543-161-3).
- Les pièces issues du démontage des VHU sortiront officiellement du statut de déchet (art. R. 543-155-3).
- Les fabricants de pièces devront désormais fournir le référencement des pièces afin de permettre aux centres VHU d’optimiser la valorisation des pièces de réemploi.
- Le numéro d’agrément préfectoral ou le numéro d’enregistrement ICPE du centre devront obligatoirement figurer sur les documents de vente afin de renforcer la traçabilité des pièces.
- Les filières pneumatiques et huiles usagées sont exclues du champ d’application du décret (art. R 543-153) afin d’éviter toute confusion.
- Les voiturettes ont été intégrées au champ d’application de la réglementation ICPE rubrique 2712 (suppression du II. de l’article R. 543-155-1).
En place depuis 2006, la filière REP VHU est largement reconnue pour son efficacité indéniable : les taux de recyclage sont dépassés (87,6% de recyclage et de réutilisation), tandis que les taux de valorisation sont déjà atteints (95,7%).
Néanmoins, ce décret est aussi source d’inquiétude pour les professionnels sur des ambitions environnementales réduites, notamment en intégrant le terme « désassemblage ». Ce terme ne doit en aucun cas être une opportunité pour certains acteurs de la filière de se soustraire à la production de pièces détachées automobiles de réemploi. A l’inverse, Mobilians souhaite qu’un taux minimum de production de pièces de réemploi soit inscrit dans l’arrêté d’application de ce décret. Aujourd’hui, seulement 3,6% des pièces remplacées dans le cadre de la réparation-collision sont des pièces de réemploi[1], il convient de créer rapidement une incitation à leur développement afin de répondre à l’impératif de la transition écologique.
Par ailleurs, Mobilians demande un encadrement de l’alinéa suivant « la circonstance qu’un véhicule conserve une valeur commerciale est sans incidence sur son statut de déchet » dans l’arrêté cahier des charges de la filière. Les VEI (Véhicules Économiquement Irréparables) techniquement réparables, sont des véhicules pouvant être destinés à la réparation puis remis sur le marché. Seuls les véhicules classés techniquement non réparables sont aujourd’hui soumis à une obligation de destruction. Faire basculer l’ensemble des VEI en tant que déchet serait contraire au principe de prolongation de la durée de vie des produits et de réparabilité des véhicules.
En outre, le décret n’apporte pas, à l’heure actuelle, des garanties quant à la propriété des pièces issues du démontage et de la matière des véhicules hors d’usage.
De façon globale, le texte offre un droit de regard important des producteurs sur les activités des opérateurs de gestion des déchets. En économie de marché, la liberté du commerce et d'entreprendre est un droit constitutionnel. A ce titre, les entreprises bénéficient d'une liberté dans la gestion de leurs affaires. La rédaction du décret pourrait aller au-delà de ce qu’il semble acceptable car cela conduirait à un risque de gestion de fait par l’éco-organisme ou système individuel. Dans une telle situation, les producteurs pourraient également limiter le nombre de pièces commercialisées et encadrer la liberté de ce marché. Le décret ne répond pas à ce stade, aux inquiétudes formulées par Mobilians quant à la structuration de la filière REP, notamment en termes de risque de déséquilibre de concurrence entre les acteurs économiques.
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[1] Statistiques SRA, données 2021