Les députés ont engagé depuis deux semaines l'examen du Projet de loi Climat & Résilience en séance publique. Après avoir voté le titre I « Consommer » et le titre II « Produire et travailler », les députés ont adopté ce week-end le titre III "Se déplacer". L'examen en séance doit se poursuivre jusqu’à vendredi, tandis que le vote solennel sur le texte aura lieu le 4 mai prochain.

Les discussions se sont particulièrement attardées sur les restrictions de circulation des véhicules les plus polluants, que ce soit pour les véhicules particuliers et les véhicules industriels, la fiscalité des poids lourds et l’aérien.

Comme vous avez pu le constater dans la presse, le contexte politique national a largement complexifié la manière dont la filière automobile (et d’autres secteurs), au sens large du terme, peut faire valoir de manière équilibrée ses points de vue et propositions. Sans surprise, les amendements présentés et les votes effectués restent déterminés par des fractures importantes dans cette période pré-électorale et par l’intensité des pressions exercées depuis les travaux de la Convention Citoyenne sur le Climat.

La teneur des débats laisse apparaître des objectifs, des échéances et des obligations qui vont au-delà de la précédente loi d’orientation sur les mobilités, ainsi qu’un problème de connection avec les futures décisions en préparation au niveau de la Commission européenne en particulier sur les objectifs de réduction des émissions de Co2 et la norme Euro 7.

L'articulation entre les mesures nationales et communautaires, ainsi que la stratégie des pouvoirs publics à l’égard de la filière automobile, qui sont peu lisibles, posent en effet de nombreux questionnements. Le contraste semble d’autant plus notable avec l’annonce le 9 avril dernier d’un nouveau projet de texte relatif à la norme Euro 7, jugé comme plus réaliste outre-Rhin quant aux possibilités techniques du moteur à combustion interne.

Il conviendra de clarifier cette stratégie alors que la France prendra la présidence de l’Union européenne à moyen terme, à partir du 1er janvier 2022 et pour six mois. Cette présidence sera tout-à-fait déterminante, en engageant des choix politiques décisifs quant à l’avenir de la filière automobile au plan européen comme au plan national.

Le débat sur le contexte économique de la filière a été principalement porté par l'Opposition lors des débats à l'Assemblée, de même que les modalités des indispensables accompagnements des entreprises et des ménages. Or, force est de constater qu’elle accuse un déficit préoccupant de compétitivité, et que d’évidentes difficultés s’accumulent à plusieurs niveaux depuis la crise sanitaire. Ses différents acteurs -  dont les consommateurs - ont par ailleurs un besoin impératif de visibilité et de stabilité du cadre réglementaire et fiscal pour inscrire leurs choix dans la durée.

L'absence de position claire du Gouvernement sur le nécessaire respect du principe de neutralité technologique et énergétique est également criante, alors que chaque technologie disponible, avec ses avantages et ses limites, contribue à la réalisation des objectifs fixés en termes de baisse des émissions. L’instauration et l’extension des Zones à Faibles Emissions (ZFE), dont la communication auprès des Français apparaît comme claire aux yeux de la Majorité, restent parmi les mesures opérationnelles les plus impactantes d’un texte très verrouillé qui va poursuivre ensuite son parcours au Sénat.

Il va de soi que le CNPA donnera suite pour tenter d’y faire valoir ses arguments et ses propositions.

Vous en serez tenus étroitement informés. Vous trouverez ci-dessous un point de situation, partagé avec les représnetants de nos différents métiers concernés par ce texte et ses possibles évolutions. Chaque amendement mériterait une remise en perspectives, qu'il n'est pas possible de détailler ici.

Le CNPA fait par ailleurs partie de groupes de travail ad hoc en lien avec la PFA - Plateforme Automobile - sur un certain nombre des thèmes abordés : bornes de recharges, véhicules industriels, etc.

 

Etat général des discussions

Parmi les mesures importantes votées ce week-end : l’interdiction des ventes de poids lourds, autocars et autobus neufs majoritairement à énergies fossiles d’ici à 2040, l’extension de la prime à la conversion au vélo, le renforcement des obligations de verdissement des flottes d'entreprises, et plusieurs mesures pour accélérer le déploiement des bornes de recharge électrique (refonte du cadre d’installation des bornes dans les immeubles collectifs, obligation pour les parkings publics d'installer un minimum de bornes de recharge, etc.). Les chapitres sur le transport routier de marchandises et l’aérien ont quant à été votés sans changement majeur.

- Les échanges ont été assez vifs sur l'article relatif à la fin de ventes de véhicules les plus émetteurs. Si les objectifs de décarbonation des transports terrestres sont bien partagés sur tous les bancs, la question de l'accompagnement de la filière automobile dans son ensemble - y compris les services - a été maintes fois soulignée, en particulier au niveau des Républicains et du Parti Socialiste. Au-delà de la trajectoire fixée pour atteindre la fin des ventes de véhicules les plus émetteurs, il convient de tenir compte des réalités du parc, du temps qu'il faudra à la filière pour s'adapter, et de la nécessaire adaptation des métiers et des compétences des salariés de la filière.

- S'agissant de l'article phare sur les Zones à Faible Emission (ZFE), de longs débats se sont tenus sur les dérogations pouvant être accordées aux véhicules de collection. Les amendements demandant une exception aux restrictions de circulation pour ces véhicules ont, comme en commission, été rejetés. A noter qu'une amicale des parlementaires du véhicule de collection - dont fait partie le Rapporteur Jean-Marc Zulesi - s'est récemment constituée autour de députés investis sur le sujet, et a demandé à être reçu par le ministre Jean-Baptiste Djebbari.

- Les défenseurs du vélo étaient bien présents tout au long des débats sur le titre Se déplacer ; l'adoption de l'amendement pour élargir la prime à la conversion au vélo a, de fait, permis de répondre aux attentes de certains députés. La ministre Barbara Pompili a indiqué en séance, sans plus de détails, que les crédits non consommés de la prime à la conversion en 2021 permettraient de financer la mesure, qui fera l'objet d'un décret.

- Les amendements prévoyant de rendre obligatoire le Forfait Mobilités Durables (FMD) ont été rejetés. La ministre Pompili a évoqué le baromètre réalisé par Via-ID et l'ADEME, dont les résultats seront publiés cette semaine, qui permettra d’évaluer l’efficacité du dispositif. Avant toute évolution du FMD, le Gouvernement souhaite attendre le bilan des négociations annuelles obligatoires prévues dans la LOM, qui doivent être réalisées en septembre prochain. Une campagne de communication est prévue par le ministère pour mieux faire connaitre le FMD.

- La suppression de l'avantage fiscal sur le gazole pour le transport routier de marchandises a suscité de vifs remous dans l'opposition :  les membres du groupe LR ont fustigé cette mesure, et le risque d'une hausse de fiscalité en France qui aggraverait les difficultés des transporteurs français, déjà très concurrencés par les transporteurs européens. Les députés ont également alerté sur l'offre encore insuffisante de véhicules lourds propres, le manque de réseaux d’avitaillement et la difficulté à produire de façon massive des motorisations alternatives au diesel pour les poids lourds d'ici 2030. Jean-Baptiste Djebbari a indiqué que les travaux de la task force sur le TRM allaient dans le bon sens et avaient permis de trouver un accord sur l'accompagnement du secteur.

 

Les amendements adoptés

Fin des ventes de véhicules émettant plus de 123gCO2/km

  • Amendement n°6357 du Rapporteur Jean-Marc Zulesi (LREM), N°7205 du groupe LREM et N°6212 de Jean-Luc Fugit (LREM) visant à élargir l’objectif de fin de vente des véhicules à énergies fossiles en 2040 aux poids lourds, camions, les autobus et les autocars neufs - le dispositif ne concerne pour l’instant que les véhicules particuliers et les véhicules utilitaires légers neufs. Pour le Rapporteur Zulesi et le Gouvernement, ces amendements sont cohérents avec les annonces de l’Union des entreprises de transport et logistique de France et de l’Association des constructeurs européens d’automobiles en faveur de la fin de la motorisation à énergie fossile pour les poids lourds d'ici 2040. En séance, le représentant du groupe LR Jean-Marie Sermier a relayé les inquiétudes du secteur du TRM sur la capacité de l’État à accompagner la filière dans cette transition. Pour la ministre Barbara Pompili, l’État encourage dores et déjà le verdissement de la flotte, en soutenant les écosystèmes territoriaux dans le cadre du plan hydrogène, avec le suramortissement pour l'achat de véhicules lourds propres, et le bonus de 50.000 € pour l'achat de véhicules électriques ou à hydrogène.

A noter que l'amendement N°7204 du groupe LREM qui prévoyait d'élargir la fin des ventes des véhicules les plus émetteurs d'ici 2030 aux VUL a été retiré à la demande du Rapporteur Zulesi et du Gouvernement, au motif que cela impacterait fortement les entreprises, notamment les TPE et les artisans, qui utilisent de tels véhicules. Les travaux de la task force sur la transition énergétique du secteur du transport routier de marchandises ont également été évoqués, le rapport devant être remis à la fin du mois de juin. La ministre a indiqué qu'il serait "nécessaire d’approfondir la question, et notamment l’impact de la mesure, en concertation avec les acteurs concernés, avec l'objectif de déboucher sur un amendement dans la suite du processus législatif, en commission mixte paritaire, par exemple".

Par ailleurs, les amendements qui prévoyaient d'exclure de l'objectif de fin de vente les véhicules utilisant des biocarburants comme le biogaz ou le biodiesel ont été rejetés. Pour le Rapporteur Zulesi et le Gouvernement, la configuration actuelle de ces véhicules ne permet pas d’utiliser seuls ces biocarburants et biogaz avancés, qui sont forcément combinés à des carburants fossiles, qui émettent beaucoup de CO2. En outre, la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) oriente le développement des biocarburants de seconde génération et du GNV vers le transport routier lourd – poids lourds et autocars.

  • Amendement n°5360 du Gouvernement et du Rapporteur Zulesi (n°5903) précisant que la fin de ventes des véhicules très émetteurs s'accompagne d'un soutien à l'achat de véhicules propres et prévoyant un élargissement de la prime à la conversion automobile au vélo et au VAE. L'exposé des motifs précise les intentions du Gouvernement quant à l'évolution des aides à l'achat : le bonus sera élargi aux personnes morales faisant l'acquisition d'un vélo cargo, de même que le bonus sera majoré pour les personnes faisant l'achat d'un poids lourd à faibles émissions, équipés de détecteur d'angle mort.

La mesure a été largement saluée sur tous les bancs, mais la question du reste à charge pour les ménages modestes a toutefois été soulevée par les députés socialistes. Le dispositif du microcrédit véhicule propre mis en place par le Gouvernement n'est pas perçu comme suffisant, y compris chez certains LREM, car il implique pour l’emprunteur un certain coût. Plusieurs députés ont ainsi défendu la mise en place de prêts à taux zéro, dont le coût serait pris en charge par l’État.

  • Amendement n°2952 de Pierre-Yves Bournazel prévoyant que l’État accompagne les ménages dans le report modal vers les transports les moins polluants par une action ciblant en priorité les ZFE - l'objectif de l'amendement étant de permettre un élargissement de la prime à la conversion automobile à d'autres solutions de mobilité.

Verdissement des flottes d'entreprises

  • Amendement N°7206 du groupe LREM renforçant la trajectoire d'acquisition de véhicules propres pour les entreprises, prévue par la LOM, en fixant un objectif de 40 % de véhicules propres acquis lors du renouvellement de la flotte en 2027 et 70 % en 2030.
     

Développement du covoiturage

  • Amendement n°7207 du Groupe LREM précisant que le signe distinctif de covoiturage permettant la réservation de places de stationnement est celui mis en place par l'AOM ou, pour l'Ile-de-France,  par Ile de France Mobilités.
  • 5284 de Jean-Marc Zulesi (LREM) visant à préciser dans le code général des collectivités territoriales que les redevances de stationnement mises en place par les collectivités peuvent, si elles le souhaitent, inclure une tranche gratuite pour une durée déterminée ou encore une tarification spécifique pour les véhicules bénéficiant d’un signe distinctif de covoiturage.

Bornes de recharge pour véhicules électriques

  • Amendement n°5366 du Gouvernement facilitant l'installation des bornes de recharge dans les copropriétés et n°5361 prolongeant la prise en charge des coûts de raccordement jusqu'au 30 juin 2022.
  • Amendement n°5609 de JM Zulesi prévoyant d'obliger les parcs de stationnement de plus de 20 places gérés en DSP ou via un marché public de s'équiper d'une borne de recharge (1 borne par tranche de 20 places supplémentaires) ; cette obligation ne s'applique pas si elle nécessite des travaux d'adaptation du réseau électrique ou de sécurité incendie importants

Développement du vélo

  • Amendement n°1754 d'Emmanuelle Anthoine qui prévoit que les plans de mobilité des collectivités comprennent les itinéraires relevant les schémas cyclables approuvés par les assemblées délibérantes du niveau régional ou départemental ou relevant du schéma national des véloroutes.
  • N°5268 de Jean-Marc Zulesi (LREM), N°7208 de Guillaume Gouffier-Cha visant à réduire à due proportion, le nombre d’aires de stationnement exigées pour les véhicules motorisés lorsque sont créés des infrastructures ou des espaces aménagés qui permettent un stationnement sécurisé pour au moins six vélos. 

Zones à faibles émissions

  • 7210 de Jean-Luc Fugit visant à proposer que l’obligation de mise en place des ZFE dans une agglomération soit remplie lorsque l’EPCI le plus peuplé a mis en place une ZFE-m sur son territoire
  • 6010 de Jean-Marc Zulesi (LREM) visant à renforcer les obligations d’aménagements cyclables lors de la réalisation ou du réaménagement de voies situées dans des ZFE-m 

Les amendements du CNPA visant à mettre en place un dispositif d'information général sur les ZFE ont été rejetés (défendus par Thierry Michels). La ministre Barbara Pompili a déclaré en séance qu'il existait "déjà un dispositif d’information centralisé géré par Bison Futé, qui propose une carte recensant les ZFE existantes et celles en cours de réalisation. Pour la ministre, "les usagers de la route ont donc facilement accès aux informations relatives aux catégories de véhicules concernés par les restrictions de circulation dans les ZFE-m, aux vignettes Crit’Air autorisées et à la temporalité de ces mesures. Par ailleurs, le site jechangemavoiture.gouv.fr donne toutes les informations nécessaires sur les aides comme la PAC. De plus, la législation prévoit d’ores et déjà une campagne d’information d’au moins trois mois à l’occasion de la mise en place d’une ZFE.

  • 6015 de Jean-Marc Zulesi (LREM) visant à mieux informer les automobilistes dès lors qu’existent des alternatives pertinentes à leur déplacement habituel ou occasionnel, via les calculateurs d’itinéraires .

Formation à l'éco-conduite

  • Amendement du groupe LREM qui prévoit l'obligation pour les entreprises détenant un parc de plus de 100 véhicules de mettre en place des actions de formation ou de sensibilisation à l’écoconduite pour les conducteurs de ces véhicules. 

Parkings-relais : l'amendement du CNPA prévoyant de réserver des places de parkings-relais à des véhicules partagés, notamment des véhicules pris en location courte durée, ont été rejetés. En effet, le CGCT prévoit déjà la possibilité de réserver des places pour les véhicules bénéficiant d'un label auto-partage. Quant à la notion de location de courte durée, elle n’est pas définie juridiquement selon le Rapporteur Zulesi.

Chèque entretien-réparation : la proposition du CNPA a été défendue par le député socialiste Gérard Leseul mais finalement rejetée. Le Rapporteur Zulesi a indiqué qu'un certain nombre d’aides existent déjà en la matière et permettent d’accompagner les publics les plus modestes dans la réparation de leur véhicule - notamment les aides personnalisées au retour à l’emploi, avec des remboursements de frais liés aux réparations de véhicules qui peuvent monter jusqu’à 1 000 euros, ou encore les aides des CAF pour l’entretien et la réparation des véhicules.
 

Très cordialement,

Xavier Horent, Délégué Général / PO. Francis Bartholomé, Président national
 

 

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